dimanche 30 janvier 2011

Flash back.


30 Janvier 2010: cinq mois que je suis au Liban et j’ai toujours l’impression que je viens d’arriver.  Les « Ahla w sahla »  d’usage sont là pour me le rappeler.  Alors que je m’apprête à traverser un Moyen-Orient en pleine ébullition pour un périple de 18 jours, je suis ravi de dire que je quitte le pays du cèdre, avec l’unique regret de ne pas être resté plus longtemps. Ce semestre universitaire fait de merveilleuses rencontres et d’expériences parfois chaotiques, aura laissé des souvenirs impérissables : l’expédition chevaleresque  dans le fief de Samir Geagea avec mon ami Caspar qui au passage a bien failli écraser un vendeur de fruits et légumes, le Talal hôtel,  la visite du monastère de Mar Moussa dans le désert syriaque sont autant de moments inestimables.
J’aurais aimé ne retenir du Liban que la voie matinale de Ferouz dans les services, ou encore la  volupté du fameux Zaatar Labné en passant par les innombrables « Kifak ça va ? ». J’aurais voulu ne décrire que la sensualité des femmes libanaises  à mes amis restés en Suisse.  Mais  la politique en a voulu autrement comme souvent ici.  Le Liban que j’ai vu n’est pourtant pas celui qu’on voit dans les reportages télévisés teintés de phrases chocs pour capter un audimat en manque de sensationnel.  C’est un peu le but de tout voyage que de tenter de confronter idées reçues et réalité.  Beaucoup de gens en ont assez d’entendre les vieilles rengaines d’une génération d’hommes politiques corrompus qui a toujours un pied dans la guerre civile. Les alliances se font et se défont  au rythme de l’opportunisme triomphant qui bat la mesure. Mais la vie continue. Un premier ministre part, un autre le remplace, so what ?  Hezbollah ou pas hezbollah, Mikati ou Hariri,  8 ou 14,  ça sera toujours pour moi le Liban, et quoiqu’il en soit  je reviendrai, c’est promis, wala ! 

dimanche 23 janvier 2011

dimanche 2 janvier 2011

Maids in Lebanon


Elles viennent des Philippines, du Sri Lanka, ou encore d’Ethiopie.  Elles font partie de la vie quotidienne libanaise. Elles font la cuisine, sont responsables des courses, et participent même à l’éducation des très jeunes générations. En un mot, n’importe quelle corvée rabaissante, ou contraignante pour un être humain, « l’animal domestique aux yeux bridés » va la faire sans broncher. Ceci est loin de concerner uniquement les hautes couches sociales. A Furn el Shebbak, un quartier chrétien qui tranche avec l’opulence d'Achrafieh, on peut voir ces nouvelles damnées de la terre.  

Les rapports de domination sont universels, ils concernent toutes les sociétés du Sud comme du Nord. Le phénomène est tellement lié à la couleur de peau, qu’on est en droit de se demander si ce n’est l’expression d’un racisme latent. En 2006, un sondage rendu public par l’association Human Rights Watch affirmait que sur 600 travailleuses interrogées, 31% d’entre elles ne pouvaient sortir du logis.  D’ailleurs, à leur arrivée, on leur confisque leurs documents de voyage jusqu’à ce que leur contrat de travail soit expiré. L’accès à certaines piscines privées leur est refusé, car selon les patrons « les clients seraient dégoutés de nager avec des noirs ». Ceci touche également les boites de nuits, où il arrive régulièrement que les personnes un peu trop bronzées se voient refuser l'accès sauf si c’est pour faire le ménage, ça va de soit.

Les discussions politiques sont marquées par des oppositions confessionnelles. On se querelle sur des sujets qui ne concernent en rien la vie quotidienne du citoyen lambda, et pourtant la monarchie parlementaire est continuellement réélue. Il suffit de prendre l’Orient le Jour,  pour constater qu’on se moque bien de cette exploitation silencieuse qui ne fait pas de vagues. Un député qui aurait le mérite de lancer un vrai débat, sur ce qui ressemble à mes yeux à de l’esclavage moderne,  mettrait le doigt sur une vraie question de société et romprait avec le populisme dominant.   

Les mauvais traitements infligés aux employés de maison ne concernent pas tous les foyers bien entendu.  Mais le taux de suicide anormalement haut parmi cette catégorie d’étrangers,  ne doit pas rester inconnu du grand public. On estime qu’une domestique trouve la mort chaque semaine, en tentant d’échapper à son sort, ou sous les coups, dans l’indifférence totale des autorités, qui pérennisent par leur silence, ce commerce malsain et morbide.

Le Liban est un pays agréable. On y vit bien, à condition d'en avoir les moyens. N’importe quel étudiant en échange, moi le premier, vous dira qu’il a été bien accueilli.  Mais prenons au moins 5 bonnes minutes pour tenter le temps d’un instant de s’imaginer à quoi doit ressembler un échange d’un an d’une immigrée Sri lankaise qui reverse presque l’intégralité de son maigre salaire à sa famille restée au pays. 

Pour aller plus loin: