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dimanche 26 février 2012

Bloody Friday

24 Février 2012. Ce Vendredi le collectif Youth Against Settlement avait appelé la population d’Hébron à se mobiliser pour demander la réouverture de la Rue Shuhada, transformée en zone « stérile » après la tuerie perpétrée par un extrémiste juif le 25 Février 1994. C’était, il y a tout juste 18 ans. Ici, personne n’a oublié. 

Shuhada street
Des centaines de personnes ont répondu à l’appel, y compris un nombre important d’israéliens et d'internationaux. Le cortège, aux couleurs de la Palestine et de la nouvelle Syrie était, comme c’est le cas souvent ici, grossi par une meute de photographes et journalistes de tout poil (moi compris), en quête d’images chocs.

Manifester dans les territoires occupés n’est pas chose facile. En cas d’arrestation, les Palestiniens sont en effet soumis à loi martiale décrétée depuis la guerre des six jours.

Ce n’était pas mon premier coup d’essai, je savais pertinemment ce qui allait se passer: cette marche, supposée non-violente, à vite tournée à l’affrontement quand des dizaines jeunes palestiniens, communément appelés ici, Shebabs, ont commencé à jeter des pierres sur les soldats.

Encore une fois, je me suis demandé ce qui avait bien pu me pousser à assister à ça. Le sentiment de solidarité,  qui m’avait envahi, s’est vite envolé quand le rythme des slogans, fut supplanté par les premières détonations.

Une atmosphère de guerre urbaine régnait dans les rues d’Hébron ce jour là.  L’asphalte était recouvert de projectiles en tout genre. L’air ambiant, imprégné par le gaz et les produits chimiques anti-émeutes, est vite devenu irrespirable.

Les ambulanciers débordés n’ont pas non plus été épargnés par les tirs. Malgré le chaos et l’absence totale de protections, ils ont acheminé sans interruption les nombreux blessés vers l’hôpital de quartier. L’un d’eux est revenu le visage en sang, après avoir secouru un jeune manifestant.

Ces manifestations sont illégales selon les autorités militaires.  Jeter une pierre sur un soldat, revient à prendre beaucoup de risques et demande une bonne dose d’inconscience. Les forces israéliennes utilisent fréquemment des balles réelles pour contenir les jeunes qui veulent en découdre. Au même moment, à l’autre bout de la Cisjordanie, un protestataire de 25 ans  a été tué d’une balle dans le thorax. Il est mort à l’hôpital de Ramallah, dans l’indifférence générale. L’évènement n’a presque pas été relaté par les médias occidentaux.

Ceci a un nom : impunité.

vendredi 27 janvier 2012

Match de rugby place Tahrir

25 Janvier 2012, se retrouver sur la place Tahrir, c’est comme participer à un match de rugby sans arbitre avec 150,000 joueurs surentrainés. Pour pouvoir passer d’une tribune à l’autre, il faut trouver un espace vital au milieu des nombreuses mêlées en cisaille. 

Hommage aux martyrs

Le 25 Janvier était déclaré jour férié en Egypte. Il y a tout juste un an, le peuple égyptien se soulevait contre son président au pouvoir depuis 30 ans. La suite, a été relatée en boucle par les journaux du monde entier.

Une foule hétéroclite a fait le déplacement mercredi dernier. On pouvait voir des frères musulmans aux chapeaux verts, suivis par de jeunes égyptiens à l’allure occidentale sortir en trombe de la station de métro Sadat. Si les premiers se réjouissent des progrès accomplis jusqu’ici, les militants pro-démocratie, demandent le départ immédiat de l’armée au pouvoir et la levée complète de l’état d’urgence en vigueur depuis 1981. La frange laïque de la révolution s’inquiète de la montée en puissance des islamistes qui ont fait une entrée fracassante au parlement fraichement élu, en raflant les trois quarts des sièges. 
Malgré les dissensions et des discours divergents, il m’a semblé qu’une atmosphère sereine régnait place Tahir. Au delà des discours, le lieu était également un espace de vie où des gens simples se rassemblent pour partager le déjeuner. Une forte odeur de Kochari (spécialité culinaire égyptienne) flottait au milieu du campement. Les petits commerçants ont saisi l’opportunité pour vendre toutes sortes d’articles aux couleurs de l'Égypte. A l’heure de la prière, des petites mosquées ont été improvisées pour permettre aux plus pieux de prier à même le sol.

On m’avait dit que la place Tahrir était devenu un véritable coupe-gorge pour tout européen au teint pâle osant s’y aventurer. Je n’y ai rencontré que des gens chaleureux au contact facile surpris de l’intérêt renouvelé que l’on porte à leur révolution...inachevée.

lundi 12 décembre 2011

Un Bantoustan en Israël

Dimanche 11 Décembre.  Camp de réfugié de Shuafat. Jérusalem-Est.

L'entrée du camp
Shuafat est le seul camp de réfugiés palestinien sous la juridiction de Jérusalem. Les habitants ont le statut de résidents permanents, mais ne sont pas titulaires de la nationalité israélienne. 

Je voulais d'abord y aller pour me rendre compte de l'étendue du mur d'enceinte qui encercle depuis peu l'intégralité de la zone, et effectivement les 11 000 résidents vivent désormais à l'ombre. Comme partout dans les territoires occupés, l'entrée du checkpoint principal est une véritable passoire, et je n'ai pas été inquiété par les soldats qui contrôlent les sorties.  
L'odeur de pourriture qui règne dancs ce camp est saisissante. Les  militaires israéliens semblent même en souffrir. L'hygiène y est déplorable du fait d'une situation de surpeuplement couplée à une mauvaise gestion des déchets. Pour moi, c'était comme retourner à Sabra et Chatila. A une dizaine de minutes en bus des quartiers chics de la ville,  Shuafat intra-muros illustre l'incroyable contraste entre l'Est et l'Ouest.

Après quelques minutes d'égarement, je me suis retrouvé en plein milieu d'une émeute. C'est assez rare pour un Dimanche. Comme dans beaucoup de manifestations ici, les plus jeunes se retrouvent  de plein gré, en première ligne face aux forces de sécurité. Des enfants à peine plus âgés que mon frère s'empressent de briser des blocs de pierre sur le sol avant de lancer les débris sur la troupe. Je me demande parfois ce qui les pousse à prendre tant de risques. Est-ce l'expression d'un profond désespoir ou la quête universelle d'adrénaline propre à l'adolescence?

Après avoir montré patte blanche devant le garde en faction, j'ai pu quitter cet enclos humain sans grandes difficultés avec le sentiment que beaucoup d'israéliens ne connaissent pas le prix de leur sécurité.

Un jeune lanceur de pierres anonyme

dimanche 11 décembre 2011

Nabi Saleh: reflection on humanity

Je connais Andrew Haas depuis mon arrivée à Bethléem. Il habite à l'étage supérieur du même immeuble. Il a assisté à la manifestation hebdomadaire de Nabi Saleh le Vendredi 9 Décembre. Voici son témoignage:  
  
 Recueillement autour de la tombe de Mustafa Tamimi
Friday morning, December 9th, my friend and I set out to experience a West Bank protest. It was a first for both of us, seeing as I have Arabic class every Friday, and he lives in Tel Aviv. As protest virgins, we had no idea what to expect. What did a confrontation look like? How do people protest? How would the soldiers react? I’d heard tales of people dodging tear gas canisters and running from the Israeli Defense Force (IDF). After four months of living in Bethlehem, I wanted to experience it for myself.

We ended up attending the protest in Nabi Saleh, coincidently on its two year anniversary date of weekly protests. The source of the conflict is the confiscation of much of the town’s land and it’s only water well due to the construction of the nearby illegal Israeli settlement of Halamish.  Furthermore, the IDF under the mandate to protect Israeli citizens (the occupants of the illegal settlements), makes frequent night raids, surprise home invasions where children are dragged from their beds for interrogation, documentation and sometimes detention.
Every Friday, the townspeople and activists gather and attempt to march to the stolen water well, but as I was to experience, rarely make it out of their village.
After noontime prayers, the protest began. We walked down the main road and towards the highway leading to the well. We didn’t get far. Shortly after rounding a bend, we found the IDF waiting for us. I was a little surprised to see the soldiers so early in our march, still within the town precinct and still quit a distance from the well. Obviously intent on stopping our forward progress, the army commenced a volley of tear gas canisters and rubber bullets. In response, some of the local kids and youths began returning the military crowd retardants with stones along the road.
The inequality of their fight struck me.  It was David vs. Goliath, inaccurate slingshots vs. scoped rifles firing lead-cored rubber bullets, taunts and jeering vs. concussion grenades and tear gas, and teens in t-shirts vs. soldiers in body armor.  My image of myself as fearless faded as I watched little girls lightly skip out of the way of concussion grenades, and boys compete over who threw the tear gas canisters up wind. To me, this was the next world war. For them, this was a regular day off from school.
What seemed like a game, became deadly serious when a young man at the protest, Mustafa Tamimi, was shot in the face by a high velocity tear gas canister from very close range (approx. 8-10 meters). The ambulance that had been at the ready for the protest earlier, was already in use. Fellow protesters lifted Mustafa’s limp body into a passenger van.
Like our protest march, the bus didn’t make it very far. For some reason, the soldiers felt it appropriate to detain the vehicle at the edge of town. I watched and waited with tears in my eyes for the van to whisk Mustafa to a place that could attend to his grievous wounds. 5 minutes. 10 minutes. 15 minutes. I watched as his family and women in the village ran wailing and screaming towards the soldiers begging them to let him go. More time passed. Finally, an Israeli ambulance shuttled Mustafa Tamimi to the hospital.
A Palestinian aid giver on her way back from having been with Mustafa, walked straight up to the soldiers and began to vent.
“You killed an innocent man today! Do you even f________ care? You animals, that’s all you are! You don’t have souls! You’re just doing what Hitler did to you, you Nazis!”
There was more said, but I can’t remember her exact words.
I felt her anger. As she spoke my sadness only deepened. Like the aid worker, I too wanted more than anything to see the soldiers show a sign of remorse—to feel the gravity of their actions, acknowledge the pain they were in no small way responsible for. However, in the face of screamed accusations, I realized that their chance for understanding was going the way of their diminished humanity.
Yesterday I learned that Mustafa Tamimi died in the hospital. Seeing as the Israeli media spin has commenced with a vengeance, it is questionable whether there will be justice for what I experienced. This doesn’t change the facts:

Men shouldn’t die while walking to their own water well

Children shouldn’t become accustomed to tear gas/rubber bullets   in their backyards

Soldiers shouldn’t be ordered to protect stolen property

Another’s humanity should never be denied


Refuse to be Enemies

Andrew Haas

mardi 15 février 2011

Nous avons pleuré à Bil'in

10 Février 2011: nous arrivons en fin de matinée à Bil’in, petit village comme tant d’autres en Cisjordanie. Une atmosphère printanière flotte sur la bourgade en ce début de mois de Février. Les oiseaux chantent, les oliviers expriment tout leur parfum. Les rues sont désertes, la plupart des échoppes sont fermés. Les fidèles écoutent le prêche, dans l’unique mosquée, alors que d’improbables étrangers commencent à arriver de tous les horizons, déguisés en Fédayins de la première heure. Chacun est venu apporter son soutien au David qui tient tête à sa manière au Goliath israélien depuis 6 années déjà.
Le silence des hauts parleurs du minaret, marque le départ d’une marche dont chacun connaît l’issue. Alors, nous cheminons main dans la main, vers ce mur de fer, avec le rêve que la campagne palestinienne retrouve ses couleurs d’antan. Les jeunes mènent la danse et se lancent à corps perdu dans la bataille avec des pierres pour seules armes. Le moment fatidique finit par arriver. Une masse de barbelés nous empêche d’aller plus loin. Insultes et projectiles fusent de toutes parts. Une masse compacte de soldats regarde imperturbablement ces enragés qu’ils fréquentent pourtant toutes les semaines. Et puis, la pierre de trop est lancée. Des coups de feux retentissent, et c’est la débandade. On ne sait où se cacher. On se tord le cou à regarder en l’air. Le danger vient du ciel : nous courrons comme des lâches pour échapper à cette pluie de fer et de gaz qui s’abat tout autour de nous. Les sifflements se font de plus en plus pressants. Nous courrons à pleines jambes à travers les feuillages, pour tromper le chasseur casqué. Enfin, cette odeur reconnaissable entre mille finit par vous prendre à la gorge et semble ne jamais vouloir quitter vos muqueuses irritées. Les quelques manifestants restés en retrait regardent, d’un air amusé, arriver ces fuyards en larme.
Ce jour là, j’ai vu des israéliens marcher avec des palestiniens. J’ai vu des Juifs essayer de parler Arabe. J’ai senti l’immense gratitude, de ces villageois téméraires, pour ceux qui ont répondu à leur appel. De ce 10 Février, je ne veux retenir que ceci. La fronde de Bil’in n’est pas un geste de haine, c’est au contraire une main tendue aux israéliens. Elle signifie : « nous voulons parler avec vous, sans ce Mur entre nous ». Je suis heureux d’avoir pu assister à cela, et j’ai une pensée émue pour ceux qui sont tombés devant cette grille qui disparaîtra tôt ou tard.